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Emilio Ferrera : le Special One

Le T1 des Rouches est un des personnages les plus clivants du football belge. Preuve supplémentaire : son année particulièrement tumultueuse du côté de Neerpede.

Ce dimanche, le Standard se déplace à Anderlecht dans le cadre d’un Clasico entre deux formations dont la copie depuis le début de championnat n’est guère réjouissante. Une pression partagée donc pour deux rivaux qui fondent beaucoup d’espoirs sur cette saison.

Ce lundi déjà, Rouches et Mauves se sont affrontés. En U21, cette fois, et en terres principautaires. Pour  » l’actuel T1 du Standard  » (dixit Michel Preud’homme), cette rencontre revêtait une saveur toute particulière puisque l’an dernier, Emilio Ferrera a mené les Espoirs anderlechtois au titre de champion. Et quand il rencontre ses anciennes couleurs, pas question de laisser filer l’occasion de leur faire mordre la poussière, d’autant que lors de son année du côté de Neerpede, l’actuel bras droit de MPH comptait plusieurs partisans mais aussi bon nombre de détracteurs.

Il n’est pas très souriant, très agréable. Mais ce n’est pas ce qu’on lui demande.  » Un de ses détracteurs du côté de Neerpede

Rien d’étonnant donc si plusieurs joueurs du noyau A du Standard sont venus renforcer des U21 particulièrement à la peine depuis ce début de saison.  » Quand son équipe devait affronter OHL, où il est passé, il fallait absolument gagner par exemple. Même constat quand son équipe Espoir affrontait l’équipe première de Hein Vanhaezebrouck « , raconte un ex-collègue de Neerpede. Le jeune Mohammed Dauda (ex-U21) en a fait les frais puisqu’il avait été obligé de disputer un match amical face à l’équipe première avec un casque alors qu’il s’était blessé au crâne quelques jours plus tôt.  » Emilio se nourrit de rivalités.  »

Emilio Ferrera : le Special One

© BELGAIMAGE

Le clash avec Kindermans,  » le bibliothécaire « 

Aujourd’hui, Emilio Ferrera est bien plus qu’un simple entraîneur de terrain. Il coache, entraîne au quotidien l’équipe première du Standard mais fait aussi office de liant entre le noyau pro et l’Académie. Désormais proche du directeur de cette dernière, Thierry Verjans, lui aussi passé par Neerpede, Emilio supervise et impose sa vision, ce schéma tactique (4-2-2-2) qu’il applique également au noyau A.

Un rôle de superviseur qui lui avait été promis, fin juin 2017, par Herman Van Holsbeeck, après que les deux hommes eurent enterré une longue hache de guerre.  » Je pense qu’au niveau entraînement et méthodologie, Emilio est le top du top « , nous avait d’ailleurs confié l’an dernier, l’ex-directeur général du club bruxellois.  » On ne s’est plus parlé pendant 14 ans mais j’ai toujours reconnu ses qualités de coach. La combinaison de Jean Kindermans ( directeur de l’école des jeunes, ndlr) et d’Emilio, doit nous rendre 30 % plus performant.  »

Sauf que cette association s’est avérée catastrophique. Et l’architecte de ce conflit n’en était évidemment pas surpris. La relation entre Van Holsbeeck et Kindermans s’était au fil du temps détériorée.  » L’arrivée de Ferrera en tant que superviseur avait pour but de faire entrer un loup dans la bergerie « , nous dit-on à Neerpede.  » D’ailleurs, Herman s’en félicitait.  »

Seulement, le conflit entre Kindermans et Ferrera a éclaté très tôt dans la saison. En septembre, une réunion a eu lieu entre Van Holsbeeck, Gunter Van Handenhoven, Jean Kindermans et Emilio Ferrera.  » Quand Jean a demandé à Emilio de s’expliquer sur son travail, de pointer ce qu’il avait réussi à changer en quelques mois, ce dernier s’est énervé : Je ne vais pas me faire juger par quelqu’un qui n’a jamais rien prouvé dans le foot ! Puis, il a claqué la porte et est parti « , raconte un cadre de Neerpede. Le soir-même, les U21 que Ferrera était censé chapeauter disputaient une rencontre au centre national de Tubize.

Si vous ne le connaissez pas, vous pouvez croire que son but c’est de pousser à bout ses joueurs. Mais, à la fin, vous comprenez que c’est pour vous rendre meilleur.  » Tony Amrani, ex-U21 anderlechtois

L’actuel T1 des Rouches ne s’est jamais pointé au rendez-vous et a laissé le brave René Peeters, seul, monter dans le car avec ses joueurs. Dès cet instant, le torchon n’a jamais cessé de brûler entre les deux décideurs de la formation anderlechtoise. Les deux hommes se croisaient sans s’échanger un regard. Ferrera avait affublé son nouvel ennemi du gentil sobriquet de  » bibliothécaire « , car selon lui, Kindermans n’était pas un homme de foot mais un homme de bureau.

Emilio Ferrera, l’impopulaire

Afin d’éteindre un incendie qu’il avait lui-même allumé, Herman Van Holsbeeck allait rétrograder (sur papier) l’actuel bras droit de Michel Preud’homme en le nommant coach des U21.  » Nous sommes contents de pouvoir mettre l’expérience et les connaissances d’Emilio Ferrera au service de cette équipe qui constitue une étape importante vers une carrière de footballeur professionnel « , lançait le manager général des Mauves en novembre dernier.

Partout où il est passé, Ferrera a toujours imposé ses méthodes. L’homme est inflexible et n’a pas peur de prendre des mesures impopulaires. Exemple : les parents n’étaient plus les bienvenus à Neerpede. Le but de la manoeuvre : travailler dans le calme et dans la sérénité. Comme c’est le cas aussi au Bayern, à l’Ajax, ou au Barça. Vous déposez votre enfant et puis vous filez. Une mesure qui devrait être appliquée à l’Académie.

Avec la jeune classe anderlechtoise, les débuts ont été particulièrement douloureux. Le message était assez clair et brutal : aux entraînements, on n’est pas là pour prendre du plaisir mais pour apprendre et progresser. Dès sa prise de fonction, Ferrera impose de longues séances tactiques. Les entraînements sont régulièrement interrompus afin d’appuyer ses consignes.

Il demande aux joueurs d’être exigeants envers eux-mêmes. Il leur rentre dedans, il faut qu’ils s’endurcissent. Ces méthodes, il les appliquait aux jeunes classes bruxelloises et il continue à les imposer aux fortes têtes du noyau pro du Standard. Reste à voir si cette communication plutôt frontale fonctionne sur la durée.

Ses colères légendaires

Chez les U21 anderlechtois, en décembre dernier, plusieurs éléments se disent dégoûtés par ce qu’il leur est imposé.  » Il n’est pas très souriant, pas très agréable. Mais ce n’est pas ce qu’on lui demande. Sur une courte période, ses méthodes peuvent fonctionner « , reconnaît pourtant l’un de ses détracteurs du côté de Neerpede.

Ferrera ne compte pas lâcher son emprise, il note tout, bosse jour et nuit, analyse et finit par imposer son système.  » Au début, c’était difficile. Très dur « , reconnaît Tony Amrani (21 ans), ex-latéral gauche des U21 du RSCA, aujourd’hui au RWDM.  » On a appris à le connaître et surtout appris à travailler avec lui. Si vous ne le connaissez pas, vous pouvez croire que son but c’est de pousser à bout ses joueurs. Mais à la fin, vous comprenez que c’est pour vous rendre meilleur. Je me rappelle qu’au début de la saison, je n’étais pas très heureux de me rendre à l’entraînement. C’était beaucoup moins chouette que les années précédentes. Nicolas Frutos était bien plus positif qu’Emilio. Ce sont deux personnalités très différentes.  »

Son passage à Anderlecht n'est pas passé inaperçu...

Son passage à Anderlecht n’est pas passé inaperçu… © BELGAIMAGE

Au Standard aussi, la jeune classe rouche est déjà habituée à ses coups de sang. Notamment lors du match des U21 à l’Antwerp où le Standard s’est fait balader durant la première mi-temps. Ferrera est entré dans le vestiaire et les a engueulés pour cette prestation indigne. Un savon qui a duré tellement longtemps que l’arbitre du match attendait impatiemment qu’il se calme pour reprendre la deuxième période.

Du côté mauve aussi, il est arrivé qu’Emilio soit, à plusieurs reprises, mal luné. Comme lors de ce match de Youth League au PSG où les Mauves étaient menés 2-0 à la pause. Ferrera était tellement dégoûté qu’il n’allait plus mettre un pied dans le vestiaire. Un drôle de choc psychologique puisque les jeunes Bruxellois allaient finalement s’imposer 2-3.

Une méthode implacable

 » Est-ce que j’avais peur de lui ? Au début, un peu « , avoue Amrani.  » Il était très strict au niveau du pourcentage de graisse par exemple. Nous devions être en dessous de 11. Un équipier et moi-même, on atteignait 13 à 14. La sanction, c’était que tous les jours, à 8 h du matin, on partait courir. Tu peux lui répondre mais peu de joueurs osaient. Mais j’ai pas mal appris sur le plan tactique. Sa philosophie : la possession de balle, être patient, rester calme, et trouver les solutions qu’on avait mises en place aux entraînements.  »

 » Ça a pris du temps pour maîtriser ses idées « , poursuit Kobe Cools, arrière central chez les U21 d’Anderlecht, passé lui aussi au RWDM.  » Personne au sein du groupe n’avait joué de cette façon. Mais dès que son système a été maîtrisé, on a joué un foot de possession et dominant. C’est quelqu’un de très professionnel, qui sait où il va. C’est un homme avec un plan et qui va au bout de ses idées. À la fin de la saison, plusieurs joueurs l’ont remercié pour ce qu’il leur a apporté.

On a compris que ce qu’il nous a fait subir avait pour but de nous faire progresser. Par son expérience et son approche, on avait vraiment le sentiment d’être coaché par quelqu’un qui avait connu le haut niveau. Il était totalement différent des entraîneurs de jeunes. Aujourd’hui, j’ai une vision plus large du foot. Il m’a appris beaucoup de choses. Ça, je ne vais jamais le nier.  »

S’ils sont nombreux à se féliciter du départ (annoncé) de Ferrera du côté de Neerpede, lui qui n’hésitait pourtant pas à critiquer Preud’homme en clamant qu’il lui avait volé tous ses principes, le Belgo-Espagnol aura marqué les esprits de plusieurs joueurs.

 » Lors du match du titre, son speech était particulièrement émouvant « , se rappelle l’un des éléments du noyau.  » Et il a reçu en retour des applaudissements de toute l’équipe. C’est quelque chose dont on se souviendra toute notre vie…  »

La com autour de Saelemaekers

Herman Van Holsbeeck n’a évidemment jamais manqué de se féliciter du travail d’ Emilio Ferrera.  » En début de saison, on m’avait pourtant dit de cette équipe U21 était moyenne, sans grands talents. À l’arrivée, elle a été championne et de nombreux joueurs ont pu être repris chez les pros « , a répété en août dernier HVH dans LaDernière Heure.  » Le meilleur exemple, ça reste Alexis Saelemaekers. C’est lui qui l’a changé de position sur le terrain et, si aujourd’hui Alexis est promis à un bel avenir, c’est en grande partie à Emilio qu’il le doit.  »

Sur le coup, Van Holsbeeck travestit l’histoire puisque Saelemaekers avait déjà été testé, la saison précédente à la venue de Ferrera, sur le côté gauche dans un 3-4-3 et en tant que latéral droit dans un système à quatre défenseurs. C’est Stéphane Stassin qui en avait eu l’idée.

 » Emilio a reçu beaucoup de crédit concernant la progression de Saelemaekers, Francis Amuzu ou Albert Sambi Lokonga « , poursuit Nicolas Frutos, ex-coach des U21.  » Mais la formation de ces joueurs est un processus long de plusieurs années. Emilio est arrivé au bon moment pour apporter sa pierre à l’édifice mais on ne l’a pas attendu pour bosser de façon globale sur l’aspect physique et mental. Il a été important dans leur développement mais pas plus important qu’un autre. Ce serait bien trop facile de résumer ces réussites au passage de Ferrera.  »

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