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Sa Pinto, coach éclair et homme de guerres et de batailles

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Ses équipes sont trop brûlantes pour être froidement organisées et préfèrent jouer avec le coeur qu’avec le ballon. Voici l’histoire de coach de Ricardo Sa Pinto, l’homme qui doit remettre le feu au football rouche.

Comme s’il avait décidé de ne pas traîner en chemin, Ricardo Sa Pinto a commencé sa carrière sur les bancs de touche par un exploit. Le Portugais n’en est qu’à son sixième match à la tête de son Sporting quand, au printemps 2012, il voit ses hommes venir à bout du Manchester City de Roberto Mancini, pourtant l’un des favoris dans la course à l’Europa League. Une victoire 1-0 à domicile, ce qui était déjà devenu sa marque de fabrique (sept de ses quinze victoires à la tête des Leones se terminent sur ce score), puis un héroïque 3-2 ramené d’Angleterre, pour le plus bel épisode de cette campagne lisboète, conclue en demi-finale sous les coups de boutoir de l’Athletic de Marcelo Bielsa.

Avec ses crampons rangés depuis l’été 2007, l’ancien attaquant de la Seleção portugaise a eu le temps de se préparer au grand saut vers le banc de touche. D’abord directeur sportif du Sporting, puis entraîneur adjoint à Leiria, Ricardo s’offre également quelques diplômes en cours de route.  » J’ai voulu approfondir mes connaissances, dans et en dehors du football « , explique le Portugais au site WiCoach.  » Je suis donc diplômé en gestion sportive et en communication d’affaires. La communication, elle est présente partout, et elle s’impose de plus en plus dans le football moderne. Je savais que mon expérience ne suffirait pas et que la gestion des ressources humaines serait mon plus grand défi.  »

À Lisbonne, l’impact de Sa Pinto sur le vestiaire est aussi brutal que ses résultats.  » Il a fait sentir aux joueurs ce que signifiait le fait de porter ce maillot, d’appartenir au Sporting « , se réjouit à l’époque le président Godinho Lopes, qui parle alors de son nouvel entraîneur comme d’un magicien :  » Sa Pinto nous a amené cette part mystique, qui manquait au Sporting et qui se voit aujourd’hui dans notre jeu.  » Traduisez : le coach est parvenu à transformer un club qui perdait son âme en une armada dont l’histoire et la grandeur font à nouveau peur. Bruno Venanzi likes this.

Queiroz et Clemente

Interrogé sur sa carrière de joueur et les modèles qui l’ont amené à envisager son avenir de l’autre côté de la ligne de touche, Sa Pinto cite d’abord Carlos Queiroz. L’ancien coach du Sporting, qui présente également un glorieux passé d’adjoint de Sir Alex Ferguson, est l’un des apôtres de la périodisation tactique, cette technique d’entraînement popularisée par José Mourinho ou Leonardo Jardim, qui repose sur une doctrine que le Special One aime résumer en une formule :  » Pour se préparer, un grand pianiste ne court pas autour de son piano, ou ne fait pas de pompes à côté de son piano. Non, pour se préparer, il joue du piano.  »

Biberonné aux entraînements nouvelle génération, où même la préparation physique se fait avec le ballon, Ricardo Sa Pinto débarque également dans son nouveau costume avec les souvenirs de Javier Clemente, son coach lors de son passage à la Real Sociedad. Plus spectaculaire en conférence de presse que ses équipes sur le terrain, l’Espagnol aimait répéter :  » On me paie pour gagner, pas pour faire des films.  » Une rage de vaincre de toutes les façons qu’on retrouvait dans ses équipes. Pour évoquer son Espanyol, au milieu des années 80, Clemente parlait d’une  » bande urbaine, mais bien organisée.  »

 » Je suis un homme de guerre et de batailles « , affirme Sa Pinto à la presse basque au moment de raconter son football, clairement inspiré de son passé sous Clemente. Son premier exploit s’écrit d’ailleurs avec le coeur et les muscles, plutôt qu’avec les pieds : face aux Citizens de Sergio Agüero, son Sporting arrache la qualif’ avec 34 % de possession de balle. Même la place en demi-finale se conquiert sans le ballon, puisque le Metalist Kharkiv repart bredouille après avoir eu la possession pendant 58,5 % du temps.

Tout est dans la tête

Le premier bail de coach de Sa Pinto dure trente matches. En octobre 2012, quelques mois après ses exploits européens, le souffle guerrier est retombé et le football n’est toujours pas apparu. L’agressivité positive et la capacité de souffrance prolongée ne suffisent pas à installer un projet à long terme, même si les premiers résultats sont toujours annonciateurs d’un renouveau. À Belgrade, où il succède à Aleksandar Jankovic sur le banc de l’Etoile Rouge, le Portugais relance la course au titre en enchaînant huit victoires de rang, avant de s’incliner 1-0 à la 90e minute dans le derby face au Partizan, finalement sacré, puis de perdre les deux derniers matches.

Le choc psychologique semble être la marque de fabrique d’un coach qui revendique l’importance de tous ces aspects qui n’ont rien à voir avec le ballon :  » Le caractère, l’envie, la capacité de se sacrifier, l’union entre les joueurs… Ces caractéristiques vont aider à se surpasser dans le football actuel, où tout est de plus en plus équilibré. Parce qu’aujourd’hui, toutes les équipes sont en place tactiquement. C’est le détail qui va faire la différence. Et où est-il, ce détail ? Je pense qu’il est dans le coeur et dans la tête.  »

Sur le terrain, les équipes qui ont croisé la route du coach Sa Pinto compensent donc une organisation tactique parfois approximative par un engagement sans compromis. Elles aiment vivre dans leur moitié de terrain et s’offrir de l’espace pour courir dès la récupération du ballon. Avec Belenenses, le coach portugais dispute l’Europa League à la tête d’un noyau modeste, essentiellement construit autour de jeunes piochés en D2 nationale. Il boucle la phase de poules avec 40,9 % de possession de balle et seulement 5,8 tirs par match (dont un cadré), mais il reste en course pour passer l’hiver européen jusqu’à la sixième et dernière journée, notamment grâce à une improbable victoire sur la pelouse du FC Bâle : ce jour-là, Belenenses ne tire que quatre fois mais trouve le chemin des filets à deux reprises, tandis que son gardien ne se retourne que sur une des treize frappes suisses. Le club portugais s’arrache comme jamais. Ou plutôt, comme toujours. Parce que la philosophie de Sa Pinto est surtout là.  » J’ai toujours dit la même chose à mes joueurs : ils doivent jouer chaque match comme si c’était le premier. Parce que si vous n’êtes pas à la hauteur de ce que je demande, ce sera le dernier.  »

Vitesse et précipitation

Puisqu’il faut bien un plan de jeu pour mettre les discours guerriers en oeuvre sur le champ de bataille, Ricardo Sa Pinto aime voir son équipe organisée dans un 4-4-2 à l’agressivité variable une fois le ballon perdu. Par séquences, ses joueurs pressent haut, harcèlent jusqu’au gardien adverse, surtout en début de match. Ensuite, on retrouve des phases de repli, avec un bloc pas toujours parfaitement disposé mais composé d’éléments très accrocheurs, qui parviennent à se surpasser dans chaque duel pour préserver leur rectangle.

Du Diego Simeone discount ? Le nouveau coach du Standard reconnaît volontiers son admiration pour El Cholo :  » S’il y a quelqu’un qui réalise ce que j’aimerais parvenir à faire à la tête d’une équipe, c’est Diego Simeone. Il a mis son caractère dans le club et il a changé le comportement de ses joueurs.  » La mentalité, toujours. Le reste finira bien par suivre.

De retour à Athènes au mois de février dernier, pour une deuxième pige à la tête du modeste club d’Atromitos, Sa Pinto a réinstallé sa recette, désormais habituelle. Son équipe laisse volontiers le ballon pour mieux le récupérer et verticalise très rapidement le jeu pour profiter au maximum des moments de transition en repartant le plus vite possible dans le dos des latéraux adverses. Déjà à Lisbonne, la pointe de vitesse de Diego Capel était l’une des armes principales de son équipe, qui aimait chercher un appui sur l’attaquant de pointe, puis une remise au milieu avant de trouver la profondeur dans les couloirs.

L’enchaînement privilégie souvent la vitesse à la précision et l’hyperactivité à la réflexion, offrant des matches pauvres en occasions, et donc en buts. Ses deux passages dans le club athénien se sont conclus avec 31 buts marqués et 33 encaissés en 32 matches, mais les rencontres sont en mouvement perpétuel, sans véritables temps morts, dans un championnat où les équipes prennent rarement le temps d’installer la possession. A l’Atromitos, on voit souvent les défenseurs se faire quelques passes latérales, avant que l’un d’eux ne finisse par craquer, envoyant un long ballon vers l’attaquant, entouré d’adversaires qui prennent souvent le dessus, mais soutenu dans un second temps par des équipiers qui font la chasse au deuxième ballon pour profiter d’un match désorganisé.

Possession et passion

Parce qu’il faudra bien que son Standard ait parfois le ballon, quand l’adversaire refusera d’assumer la possession, il est indispensable de jeter un oeil au football de Ricardo Sa Pinto face à des adversaires modestes. Là, son Atromitos ne s’embarrasse pas de longues et méthodiques installations dans le camp adverse mais tente principalement de trouver ses ailiers dès que possible.

Généralement installés sur leur mauvais pied, pour qu’ils puissent rentrer dans le jeu et s’ouvrir une fenêtre de tir, les joueurs de couloir sont soutenus par des latéraux athlétiques, qu’ils utilisent souvent comme fausses pistes pour faire la différence en repiquant vers l’axe. Un joueur comme Junior Edmilson convient parfaitement au profil d’ailier préféré de son nouvel entraîneur, par sa capacité à créer le danger seul, avec ses dribbles et ses frappes à distance.

Difficile, vu l’état du noyau, de faire beaucoup plus de projections sur la première version footballistique de ce Standard portugais. Par contre, une chose est sûre : l’amour du maillot et les kilomètres parcourus seront les maîtres-mots, affichés en grand à l’entrée du chantier liégeois de Ricardo Sa Pinto. Le jeu sera peut-être aléatoire, mais la passion ne se négociera pas. L’esprit Standard est entre de bonnes mains.

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