Standard : pourquoi ça coince dans les deux rectangles

Standard : pourquoi ça coince dans les deux rectangles

Entre occasions manquées et série en cours d’onze rencontres sans garder le zéro, entre le championnat et l’Europe, le Standard ne parvient pas à installer sa domination dans les deux rectangles. Analyse au microscope d’une efficacité disparue.

La main part du front pour finir sa course juste en haut de la nuque. Une trajectoire qui ne sert pas seulement à tenter vainement de se débarrasser de quelques gouttes de la pluie battante qui s’abat sans discontinuer sur le Portugal depuis plusieurs heures. Selim Amallah veut surtout chasser sa déception.

Comme si d’un coup de main, il pouvait s’ôter de la tête ce ballon divin que Mehdi Carcela vient de déposer dans sa course, et qu’il a balancé trop rapidement à côté du but alors que la défense de Guimarães avait été hypnotisée par le gabarit imposant d’Obbi Oularé.

 » On s’est créé certaines occasions très nettes mais comme on l’a répété ces dernières semaines, il faut les mettre au fond « , regrette après le coup de sifflet final un Michel Preud’homme conscient que la qualification vient sans doute de s’envoler en même temps que la victoire chez la lanterne rouge du groupe.

Un mois plus tôt, déjà, le coach des Rouches pointait du doigt le manque de réalisme des siens, incapables d’agiter suffisamment le marquoir du stade Jan Breydel après une première mi-temps exceptionnelle sur les terres du leader brugeois.  » On menait 0-1, et on aurait pu faire 0-2 à plusieurs reprises.  »

Mesurer avec les xG

Plus que le partage dans la Venise du Nord, c’est celui concédé au Portugal qui donne le coup d’envoi de la série noire du Standard en fin d’année. Décembre accouche certes d’une énième victoire à l’arraché, mais se conclut surtout par six matches sans victoire. Trois nuls, puis trois défaites dont les symptômes semblent identiques. En médecin du football expérimenté, Eric Gerets pose un implacable diagnostic :  » Le Standard aurait dû marquer un paquet de buts en plus.  »

Peut-on mesurer la véracité des propos de la légende de Sclessin, au-delà de l’impression visuelle ? Les statisticiens, désireux de ne pas s’arrêter à la vérité souvent relative d’un score final, ont évidemment trouvé une unité de mesure. Venue des analystes anglo-saxons, et forcément baptisée en anglais. Ce sont les expected goals ( xG). Littéralement, les  » buts attendus « .

Comment fonctionnent-ils ? Chaque frappe au but se voit attribuer un pourcentage de chances de finir au fond des filets, en fonction de la position de la frappe et de la zone du corps utilisée pour tirer (bon ou mauvais pied, voire tête), sur base de tous les tirs compilés à l’échelle mondiale dans des bases de données ces cinq dernières années.

À Guimarães, la tentative d’Amallah avait 52% de chances de finir au fond. Elle représente donc 0,52 expected goal. Pas autant qu’un penalty, facturé 0,76 xG (76 penalties sur 100 finissant au fond).

Selon ces chiffres, de plus en plus utilisés dans nos clubs professionnels, le Standard aurait dû terminer le mois de décembre avec 12,29 buts marqués. Pourtant, les Rouches n’ont marqué que neuf fois. Encore une fois, Gerets assène le verdict :  » Je crois qu’avec un bon avant-centre, le Standard aurait quelques points de plus.  »

Renaud, Obbi et Felipe

Seulement présent sur la pelouse lors de 129 des 720 minutes jouées par les Liégeois en décembre, Renaud Emond reste la source de buts la plus fiable de l’arsenal offensif de MPH. Cette saison, le Gaumais affiche une légère sous-performance, avec 7 buts marqués pour 7,74 xG.

Les chiffres d’un buteur fiable, à défaut d’être assez doué pour voguer en surrégime, comme le font les plus grands talents (à titre d’exemple, Dieumerci Mbokani affiche 18 buts au compteur, championnat et coupe compris, avec 15,02 xG). Précieux à la réception des centres, quand une seule touche de balle suffit pour prolonger la trajectoire vers le fond des filets, Emond reste la référence de Sclessin quand on compare ses stats aux chiffres faméliques de Duje Cop, Felipe Avenatti et Obbi Oularé. À eux trois, les autres attaquants des Rouches ont obtenu 6,07 xG. Pourtant, ils n’ont marqué que deux fois.

Je crois qu’avec un bon avant-centre, le Standard aurait quelques points de plus.  » Eric Gerets

Historiquement, les grandes saisons du Standard sont portées par un buteur talentueux et en verve. Une catégorie au sein de laquelle beaucoup sont réticents à l’heure de faire entrer Renaud Emond. Au mieux, l’ancien buteur de Virton devait être un supersub au coup d’envoi de la saison.

Ses quatre saisons au sein de l’élite belge, bouclées avec 38 buts pour 41 expected goals, avaient fini d’asseoir une réputation de buteur correct, mais dont les limites hors de la surface n’étaient pas suffisamment masquées par ses exploits à l’intérieur de celle-ci.

Les Liégeois avaient donc misé sur Felipe Avenatti, auteur d’une saison folle sur le plan statistique à Courtrai (15 buts avec 6,78 xG). Des chiffres qui attestent d’un surrégime évident, visiblement pas planifié dans la Principauté où l’adaptation de l’Uruguayen, arrivé blessé, est difficile.

La deuxième ligne de MPH

Est-ce véritablement un problème ? Les années brugeoises de Michel Preud’homme ont appris à la Belgique que le football de l’ancien gardien n’était pas obsédé par la figure du buteur. Jamais, en quatre années au Club, son meilleur buteur n’a dépassé les 16 réalisations. À deux reprises, il n’était même pas un attaquant de pointe, puisque Maxime Lestienne puis José Izquierdo ont été les meilleurs buteurs des deux premiers Bruges version MPH.

Par la suite, il y a encore eu Abdoulaye Diaby, homme de profondeur et de rupture plutôt que point d’appui qui pèse dans la surface. Et si Jelle Vossen a contrarié les lois de l’espace en 2017, c’est avant tout parce qu’une blessure avait privé Izquierdo de plusieurs matches importants, laissant le Colombien dans le sillage de l’ancien Diable Rouge.

À Liège aussi, Michel Preud’homme a confié les clés de ses offensives à sa deuxième ligne. Entre buts et passes décisives, les trois joueurs les plus impliqués dans les buts rouches sont ainsi Lestienne (13 fois), Amallah (11) et Samuel Bastien (9).

Même en termes d’occasions créées, les protagonistes sont les mêmes. Lestienne a un pied dans 78 frappes (46 tirs et 32 dernières passes) et devance Paul-José Mpoku (72), Carcela (60), Amallah (53) et Bastien (52).

Parmi ces éléments, la plupart sont en surrégime cette saison en termes d’ expected goals. Logique, quand on sait que le Standard est le spécialiste national de la frappe à distance, dont la réussite trouble les statistiques. Le seul qui n’atteint pas dans les faits les chiffres  » attendus « , c’est Mehdi Carcela, homme-clé du dernier trophée et de l’ultime véritable lutte pour le titre des Liégeois.

La chute de Mehdi

Lors de son deuxième retour à Liège, Carcela avait vécu de premiers mois marqués par une réussite exceptionnelle. Sous les ordres de Ricardo Sa Pinto, l’international marocain claque six passes décisives avec 4,46 expected assists (la dernière passe reçoit la valeur expected goal de la frappe) et marque cinq fois avec 2,79 xG.

Un surrégime (+ 3,75 entre le expected et le réel) qui se normalise lors de la saison suivante (+ 0,01), avant de sombrer dans le sous-régime depuis le coup d’envoi de la saison actuelle (- 3,53). De quoi donner des chiffres insuffisants avec des opportunités pourtant semblables.

Le football de Sa Pinto, moins codifié dans ses mouvements, convenait-il mieux à Carcela ? Ou le coach portugais a-t-il créé une période d’euphorie collective ? Les chiffres du Standard lors des fameux play-offs 1 à la poursuite des Brugeois d’ Ivan Leko confirment en tout cas la seconde hypothèse.

Un coup d’oeil aux expected goals renseigne ainsi qu’en dix matches, les Rouches auraient  » dû  » marquer 15 fois et encaisser à 14 reprises. Dans les faits, les équipiers de Carcela et Junior Edmilson avaient pourtant trouvé le chemin des filets 20 fois, et encaissé 9 buts.

Plus encore qu’offensivement, c’est dans leur propre surface que les Rouches avaient le plus surperformé. Et puisque cette saison, les Liégeois ont encaissé 23 buts en concédant seulement 19,54 expected goals, il est légitime de s’interroger sur le manque de réalisme des hommes de Preud’homme dans leur propre surface.

D’Ochoa à Bodart

L’équilibre défensif du Standard a été bouleversé à deux reprises en l’espace de quelques mois. En janvier dernier, d’abord, les Rouches ont perdu le colossal Christian Luyindama, pas toujours irréprochable dans son placement mais doté de qualités athlétiques qui sauvaient de nombreuses situations périlleuses. Ensuite, cet été, c’est Guillermo Ochoa qui a quitté la Principauté avec ses détentes d’exception et ses réflexes parfois impressionnants. Deux piliers de l’équilibre défensif liégeois qui n’ont pas vraiment été remplacés.

Dans l’axe de la défense, Preud’homme a replacé Konstantinos Laifis, excellent avec le ballon mais pas toujours rigoureux dans le duel défensif, au coeur de la zone de vérité. Entre les perches, vu l’erreur de casting que semble de plus en plus représenter Vanja Milinkovic-Savic, le club a décidé de faire confiance à Arnaud Bodart.

Un choix confirmé par les prestations sérieuses du produit de l’Académie, rarement coupable sur les buts encaissés par les Liégeois (à l’exception, sans doute, de ce ballon relâché qui a coûté un point au Freethiel en décembre). Mais si Bodart n’encaisse presque jamais des buts évitables, il ne réalise jamais les arrêts  » impossibles  » qu’était capable de sortir Ochoa.

La comparaison chiffrée est douloureuse pour le réalisme défensif des Rouches version 2019-2020. La saison dernière, après 21 journées, le gardien mexicain et son arrière-garde avaient concédé 30,02 expected goals, mais encaissé 22 fois. Cette saison, avec 10 expected goals de moins, Bodart a encaissé un but de plus.

Là où il n’a dû faire face qu’à 209 frappes en 21 sorties, grâce à l’organisation collective mieux rodée du système liégeois, son prédécesseur avait affronté 235 frappes au moment de conclure l’année 2018, sur un même nombre de matches. La tactique d’ensemble protège mieux les Principautaires, mais le niveau individuel dans la surface offre moins de points au bout des nonante minutes.

Une situation que les hommes de Michel Preud’homme devront tenter d’inverser en 2020. Finalement, les chiffres peuvent être résolus de deux manières. En se disant que le Standard crée assez de situations positives dans la surface adverse et en concède assez peu dans la sienne pour que la pièce finisse par tomber du bon côté, ou en finissant par constater que le sous-régime, qui est parfois une question de chance, peut également être l’indice majeur d’un manque de qualité.

L’énigme de Gavory

Arrivé dans la Principauté dans un relatif anonymat, au milieu d’un mercato agité, Nicolas Gavory s’est rapidement imposé comme un indéboulonnable du onze de Michel Preud’homme. En plus de son activité physique dans le couloir, le Français répond présent à l’heure de distribuer du caviar du bout de son pied gauche, aussi précis pour décocher un centre que pour s’installer derrière le ballon au moment d’un coup de pied arrêté.

L’an dernier, l’apport offensif des latéraux liégeois était l’un des points faibles du jeu rouche. Face à une équipe qui regroupe énormément de monde à l’intérieur du jeu, les adversaires avaient fini par abandonner les couloirs, préférant prendre le risque mesuré de laisser centrer Konstantinos Laifis ou Collins Fai, rarement dangereux dans l’exercice. Sur l’ensemble de la saison, le Camerounais n’avait distillé  » que  » 3,53 expected assists.

Les arrivées de Gavory et de Mërgim Vojvoda devaient rectifier le problème, et obliger les adversaires du Standard à se soucier de l’espace offert aux latéraux rouches. Avec 2,91 expected assists pour le Kosovar, mais surtout 5,2 pour le Français (qui botte aussi certains coups de pied arrêtés), l’amélioration est significative.

Par contre, l’utilisation des flancs reste un paramètre étonnant. Bien plus précis dans les ballons qu’il envoie vers la surface, Gavory est moins utilisé par son équipe que Vojvoda. En moyenne, le Français centre 3,2 fois par match, contre 5,6 pour l’ancien Mouscronnois. Le Kosovar centre plus souvent, mais moins bien.

Ces chiffres sont surtout la conséquence du jeu du Standard, qui construit à droite et court à gauche, là où Michel Preud’homme préfère activer les courses en profondeur de Maxime Lestienne. Si Gavory reçoit en moyenne 25 passes par match, Vojvoda en réceptionne 38, ce qui fait de lui le Rouche le plus impliqué dans la possession de ses couleurs. La quantité penche à droite, mais la qualité est à gauche. Un problème de géométrie à résoudre ?

3 Comments

    • VanMoer60

      8 janvier 2020

      Bonne analyse de FootMag souvent critiqué parce qu’ils mettent le doigt sur les problèmes.
      Si Vojvoda est celui qui touche le plus souvent le ballon, pas étonnant que cela coince; il ne sait bien souvent qu’en faire et les adversaires ne prennent plus la peine de le presser.

    • gerouche

      9 janvier 2020

      Ahahah , sacré van moer. Du pur jus venant de toi ça ! Quand tu as une dent contre un joueur, tu le lâches pas hein, temps un chein son os ! . Mais bon, pas faux non plus tes remarques.

    • VanMoer60

      9 janvier 2020

      L’analyse le confirme mon cher Gerouche. C’est le genre d’erreur de casting qui saute aux yeux. Tu remarqueras aussi qu’on souligne le manque de rigueur defensive de Layfis, je dirais trop mou pas assez autoritaire dans les duels surtout aeriens.
      Et j’ai aussi une dent même deux contre Cop et Boljevic. En alignant ces trois là (Je retire Layfis à cet egard) , l’équipe est automatiquement déforcée

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