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Une vie de paria

À l’image de Luis Pedro Cavanda, l’attaquant portugais, pourtant sous contrat au Standard jusqu’en juin 2021, est persona non grata depuis la fin du dernier mercato. Une situation tendue dont l’issue devrait se régler devant les tribunaux.

Flash-back, 28 janvier 2018. Orlando Sá, en véritable renard des surfaces, reprend une tête décroisée de Renaud Emond et ouvre le score lors de ce Clasico spectaculaire (3-3). Le buteur portugais ne le sait pas encore, mais il vient d’inscrire son dernier but à Sclessin avant son départ, un mois plus tard, pour la Chine au bout d’un bras-de-fer avec la direction et d’une communication assez floue des deux parties. Depuis cet envol pour Henan Jianye, personne ne l’a revu. Ou plutôt personne n’a revu le véritable Orlando Sá, auteur de 24 buts en 45 journées de championnat lors de ses deux premières saisons rouche. En Chine, l’expérience tourne au fiasco. Cinq mois après avoir forcé un transfert très lucratif (qui devait lui garantir 3,2 millions d’euros nets par saison), le Portugais retrouve la Cité Ardente, fin juillet 2018.

Convoqué sur le terrain d’entraînement à 8 h du matin, Orlando Sá a fait constater, devant huissier et à trois reprises, les portes closes de l’Académie.

Le club et le joueur pensent réaliser une belle affaire. Le Standard sort d’une saison assez folle avec une seconde place en championnat et une victoire en Coupe de Belgique, et récupère gratuitement un attaquant qui lui a rapporté plus de 6 millions d’euros quelques mois plus tôt. Sá, lui, s’assied logiquement sur ses émoluments chinois mais négocie un salaire conséquent, le plus important du noyau (après celui de son coach). Un win-win, croit-on dans un premier temps. Mais l’attaquant portugais disparaît très vite des plans de Michel Preud’homme, arrivé tel le Messie en bords de Meuse, le même été.

Après une première titularisation lors de la 4e journée de championnat à Lokeren, assortie d’une victoire (0-3), l’attaquant portugais est la principale victime de la défaite indigne deux semaines plus tard, à Eupen, où il est une seconde fois titularisé. Ce sera sa dernière présence dans le onze de base, et le début d’un long calvaire qui a pris des proportions encore plus importantes ces derniers mois. Un dernier sursaut, le 17 mars 2019, ne changera rien : le Portugais offre la victoire lors d’une remontada épique face à Waasland-Beveren (0-3 à 4-3) et inscrit son premier et seul but de la saison.

MPH vs Sá

Quelques semaines plus tard, Orlando Sá est victime d’une rupture partielle du tendon d’Achille, qui l’écarte des terrains pour une longue durée. Cette blessure signe en quelque sorte son arrêt de mort du côté de Sclessin et ce même si son avenir semblait, avant cette blessure, plus qu’incertain. Car Orlando Sá n’a jamais retrouvé l’entièreté de ses sensations qui faisaient de lui l’une des principales terreurs de notre championnat avant son départ pour la Chine.

La relation froide, voire inexistante, entre lui et le nouveau boss du club principautaire n’a fait qu’empirer sa situation. D’ailleurs l’intéressé pointe, à en croire son entourage, Michel Preud’homme comme principal responsable de ce retour qui a tourné au fiasco.

Si les relations qu’il pouvait entretenir avec Bruno Venanzi ou Alexandre Grosjean avant son exil de quelques mois pour la Chine étaient plutôt chaleureuses, elles n’ont fait qu’empirer au fil des mois avec ” Saint-Michel “, jusqu’à l’annonce, le 4 septembre dernier, de son renvoi dans le noyau B, en compagnie de Luis Pedro Cavanda et Sébastien Pocognoli. Ce dernier, véritable enfant de la maison, à qui on avait promis un avenir au sein du club après sa carrière de joueur, a toutefois pu compter sur pas mal de soutiens au sein de la presse locale et chez les supporters, avant de réintégrer le noyau A, deux semaines plus tard. Un faux retour en grâce puisque Poco n’a pas disputé la moindre minute de jeu cette saison.

Michel Preud’homme a demandé d’exclure Cavanda et Orlando Sá du groupe Whatsapp des joueurs.

Huissiers à l’Académie

Orlando Sá, lui, apprend d’Alexandre Grosjean, à l’approche de la fin du mois d’août, qu’il ne fait plus partie des plans et que le club verrait d’un bon oeil son départ. Seulement, le joueur se remet tout doucement de sa blessure au tendon d’Achille et malgré quelques rares contacts, aucune offre sérieuse n’arrive sur la table l’été dernier. Quelques jours avant la fin du mercato, un club du Golfe montre de l’intérêt pour l’attaquant portugais et se renseigne sur son état de forme. Grosjean assure par mail à ses interlocuteurs que l’attaquant est parfaitement apte à jouer. Une semaine plus tard, alors que le mercato vient de prendre fin, Sá est pourtant renvoyé du noyau A.

” C’est une décision d’objectif et de raisonnement de club, de direction, prise de manière collégiale et dictée par des raisons qu’on ne donne pas publiquement “, commente alors laconiquement Michel Preud’homme. Orlando Sá ne reçoit aucune véritable explication quant à cette mise à l’écart, sinon un mail (qui lui est envoyé chaque semaine jusqu’à aujourd’hui) qui lui indique de répondre à ses obligations et de faire en sorte de retrouver la forme… alors que quelques jours plus tôt, Alexandre Grosjean certifiait pourtant, toujours par mail, que le joueur était apte physiquement.

Le 14 novembre dernier, Bruno Venanzi déclare même qu’il ” ne ferme pas la porte à un retour de Sá et de Cavanda “, devant un parterre de journalistes triés sur le volet. Et pourtant la porte semble définitivement fermée. Parfois, au sens propre puisque le Lusitanien, convoqué sur le terrain d’entraînement à 8 h du matin, a fait constater devant huissier, et à trois reprises, les portes closes de l’Académie.

Interdiction de parler aux équipiers

Depuis ce renvoi dans le noyau B, la situation du duo Cavanda-Sá devient ubuesque. Interdiction aux deux joueurs de se garer à l’Académie, entraînements en soirée, impossibilité de prendre leur petit-déjeuner au club, de discuter avec les autres joueurs ou d’assister aux entraînements. Michel Preud’homme a même demandé d’exclure Cavanda et Sá du groupe Whatsapp des joueurs.

Une situation de non-retour donc, qui devrait vraisemblablement se régler devant les tribunaux. S’il n’est pas réintégré dans le noyau A, ce qui est fort probable, ses conseillers emmenés par l’avocat pénaliste, Walter Van Steenbrugge (également avocat du Club Bruges), envisagent de porter l’affaire devant la FIFA.

Du côté du club principautaire, on a toujours pointé l’hygiène de vie peu professionnelle de l’attaquant portugais. L’intéressé ne s’en est d’ailleurs jamais véritablement caché, lui qui était arrivé à Sclessin à l’été 2016 avec plusieurs kilos en trop.

Aujourd’hui, son entourage assure pourtant que l’attaquant portugais a retrouvé la pleine possession de ses moyens physiques, comme le prouvent ses tests VMA. Après avoir soigné sa blessure au tendon d’Achille auprès du docteur Declercq, qui l’a opéré au Portugal après avoir été le premier à diagnostiquer précisément sa blessure, Orlando Sá a entretenu sa condition à coups de séance de kickboxing. Le Portugais poursuit ses foulées aux côtés de Cavanda au coeur du Sart-Tilman. Départ 8 h du mat’. Des séances encadrées parfois par Hamide Lamara, le coach du Standard Femina, ou par les préparateurs physiques Renaat Philippaerts ou Kevin Miny. Les deux joueurs, contraints de partager l’essentiel de leur quotidien entre des footings dans les bois et du fitness, ne peuvent par exemple pas compter sur un gardien pour le déroulement de leurs séances, ce qui constitue un handicap conséquent pour l’attaquant. Mais le joueur et son entourage semblent déterminés à ne pas craquer, surtout que le généreux salaire en vaut la chandelle.

” Preud’homme est le seul boss de ce club. Si tu veux être en bons termes, il faut le suivre à tous les niveaux “, clame l’un des conseillers du joueur. Mogi Bayat n’a d’ailleurs jamais pu mettre la main sur le joueur portugais, qui fonctionne depuis quelques temps sans véritable agent.

” C’est une situation illégale ”

” Techniquement, on ne peut pas considérer la situation vécue par Orlando Sá et Luis Pedro Cavanda comme celle de deux joueurs qui sont versés de façon classique dans un noyau B “, explique Stijn Boeykens de la CSC Sporta, le syndicat des sportifs. ” Ce n’est pas comme Nicolas Lombaerts, qui est dans une situation similaire à Ostende mais qui s’entraîne avec les jeunes. Ici, il n’y a pas de noyau, et visiblement pas d’encadrement puisque les joueurs n’ont pas de coach avec les diplômes d’entraîneurs requis, et pas d’accès aux kinésithérapeutes ou aux médecins. Un tel isolement, au point de ne pas pouvoir parler aux autres joueurs, c’est un cas unique. C’est une forme de harcèlement, pour pousser les joueurs à casser leur contrat. ”

” C’est une situation illégale “, continue Boeykens. ” Le Standard n’est pas dans ses droits, et certains cas déjà traités par la FIFA peuvent faire office de jurisprudence. Le cadre de travail des joueurs n’est pas respecté. ”

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