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Razvan Marin: le cerveau du Standard

Anderlecht et Bruges ont fait plouf avec leurs Roumains bien chers. Le Standard a transformé le sien en cerveau de l’équipe. Marin a pris des bleus. Puis il a explosé.

La scène se passe sur un terrain de l’Académie pendant cet été. Razvan Marin a un peu de mal à comprendre les nouveaux impératifs tactiques dictés par le nouveau staff du Standard. Une scène qui n’est pas un momentum unique mais se répète plus d’une fois. Et ça énerve le Roumain parce que c’est le style de joueur qui a – toujours – envie de – tout – comprendre.

Il est, à la limite, frustré. Les consignes du couple Michel Preud’homme / Emilio Ferrera, ça n’a rien à voir avec le sempiternel  » Passe à Eden  » de Marc Wilmots ou le traditionnel  » Donne à Mehdi  » de Ricardo Sa Pinto. C’est beaucoup plus pointu, plus construit, plus réfléchi, et il faut forcément du temps pour assimiler.

Quand on vous dit que Razvan Marin est un cérébral… Ses temps libres en dehors du foot se comptent sur les doigts d’une main, et encore, une paluche c’est trop. Il ne sort pas. Il apprécie l’une ou l’autre pause console de jeu – il est footballeur, faut pas déconner non plus -. À part ça, il fréquente quelques Roumains installés à Liège.

Razvan Marin.

Razvan Marin. © PHOTONEWS

Et il y a sa passion pour un jeu qui paraît démodé, hors du temps pour les gamins de son âge : le backgammon. Un jeu de dés qui mêle hasard et stratégie, un jeu qui oblige à anticiper les actions de l’adversaire. Anticipation, action, réaction. Il avoue que le backgammon peut le  » rendre dingue.  »

Retour sur ce terrain d’entraînement où Razvan Marin est vénère quand il a du mal à saisir certains messages tactiques du staff. Un témoin de ces scènes se souvient :  » Il ne voyait pas trop où les entraîneurs voulaient en venir, ça ne tournait pas comme il le souhaitait, alors il pouvait devenir à la limite antipathique et arrogant. Quand ça ne va pas, c’est le genre de joueur qui peut lâcher, ce n’est pas le gars qui va tirer tout le monde pour que ça aille mieux. Mais quand je dis antipathique et arrogant, c’était toujours sans débordement, maîtrisé.

Marin n’est ni un brave, ni un emmerdeur. À certains moments, il peut avoir un côté un peu salopard. C’est bien !  » Un écho du Standard

On peut dire, d’une certaine façon, qu’il a un mauvais caractère. Mais c’est le mauvais caractère qu’il faut, celui qui fait un bon pro. Juste à la limite. Il n’est ni gentil, ni méchant, c’est bien calibré. Juste entre les deux. Il a un mental intéressant. Ce n’est ni un brave, ni un emmerdeur. À certains moments, il peut avoir un côté un peu salopard. C’est bien ! Il sait aussi être râleur. Il peut râler sur les autres, mais aussi sur lui. Si un coéquipier rate une passe, si lui-même en loupe une. Là aussi, c’est bien parce que ça reste mesuré.  »

 » Il a souffert de la comparaison avec Stanciu, Chipciu et Rotariu « 

Il faut du temps.Pascal Obispo le chante. Et, du temps, Razvan Marin s’attendait à en recevoir quand il a signé chez nous. En janvier 2017, tranquille, le but était qu’il remplace, à terme, Adrien Trebel. Sauf que Trebel est parti presque au même moment, sans qu’on s’y attende. Donc, le Roumain a été parachuté dans l’équipe (malade) d’ Aleksandar Jankovic. Trop tôt, mais pas le choix.

Marin est fan de backgammon, un jeu de dés qui mêle hasard et stratégie. Il avoue que ça peut le  » rendre dingue « .

Donne-moi les règles du jeu.

À quoi on joue tous les deux ?

Dis-moi où nous en sommes.

Nous contenter de peu, ce n’est pas ce qu’on a fait de mieux.

Qu’est-ce qu’on attend pour changer tout ?

Obispo dit tout ça dans son hit, ça s’applique parfaitement à Marin même si, dans son cas, le contexte est sportif, pas amoureux. Thomas Chatelle, observateur du championnat pour la télé, rappelle des images du Marin à la découverte de notre foot :  » En quelques mois, on a vu débarquer quatre joueurs roumains qui étaient censés nous apporter plein de bonnes choses, surtout qu’ils n’arrivaient pas pour rien. Anderlecht avait Nicolae Stanciu et Alexandru Chipciu, Bruges avait Dorin Rotariu, le Standard avait Razvan Marin. J’ai l’impression que Marin a un peu souffert de la comparaison.

Une jolie chorégraphie entre Razvan Marin et le néo-Carolo Adama Niane.

Une jolie chorégraphie entre Razvan Marin et le néo-Carolo Adama Niane. © BELGAIMAGE

Les projecteurs étaient d’abord braqués sur Stanciu, notamment à cause du prix de son transfert. Dans une moindre mesure, Rotariu prenait aussi pas mal de lumière. Marin était en retrait, point de vue médiatique, sans doute parce que Stanciu et Rotariu sont des offensifs alors qu’il est, lui, arrivé comme médian défensif. Et aussi parce que le Standard traversait une mauvaise période. Mais si on refait le point, un peu moins de deux ans plus tard, on voit qu’un seul des quatre Roumains s’est imposé dans la durée chez nous. Et c’est Marin.  »

De fait, les autres ont disparu des radars : Stanciu et Chipciu essaient de se refaire une santé au Sparta Prague, Rotariu est à l’AZ Alkmaar après son épisode mouscronnois.

« Son père était agressif, il a le caractère cool et tranquille de sa mère »

Pour un bon avis sur un footballeur roumain, impossible, improbable, impardonnable de passer à côté de Mircea Rednic. On le croit en Arabie saoudite, puisqu’il a signé là-bas en juin dernier. Mais non, il est à Bucarest quand il décroche.  » Je n’étais pas payé, j’ai cassé mon contrat et je suis rentré.  » Il est à nouveau entraîneur du Dinamo, lui-même ne sait peut-être pas combien de fois il s’est déjà retrouvé entraîneur dans ce club qui est une bonne partie de sa vie. Rednic au Dinamo, c’est un marronnier.  » C’est ma famille.  »

Il se serait bien vu pour plus longtemps en Belgique, il en parle et évoque indirectement les scandales du moment dans notre football.  » C’est Mogi Bayat qui m’a poussé dehors de Mouscron. Il m’a bloqué dans pas mal de clubs, il m’a fait beaucoup de mal.  » Mircea Rednic a pourtant été, un moment, un client de Mogi Bayat. Mais ça, c’était hier.  » Je dis merci à Dieu de ne plus être dans son entourage.  »

Le but du coup de fil, c’est quand même qu’il nous parle de Razvan Marin… C’est directement beaucoup plus flatteur comme portrait !  » Pour résumer, je dirais que Marin est le seul international roumain qui réussit pour le moment dans un bon championnat à l’étranger. On a énormément de joueurs talentueux mais il leur manque chaque fois quelque chose pour passer un palier. C’est souvent une question de rythme et d’agressivité. Marin profite de l’éducation qu’il a reçue.

Razvan Marin est le seul international roumain qui réussit à un bon niveau à l’étranger.  » Mircea Rednic

Son père a joué au Steaua et en équipe nationale, il connaît la musique. C’était un joueur assez agressif, et ça, son fils n’en a pas tout à fait hérité. Il a plutôt le caractère cool et tranquille de sa mère. À côté de ça, c’est un garçon extrêmement respectueux. Il respecte les valeurs, il respecte la hiérarchie, il respecte l’âge de ses coéquipiers. Et il ne parle que quand il doit parler. À certains moments, il devrait plus se mettre en avant. Aussi bien dans le vestiaire que sur le terrain. Il est trop collectif, pas assez égoïste. Par exemple, il a une frappe superbe qui peut faire mal, mais sur certaines phases, il préfère donner une bonne passe que tenter lui-même sa chance.  »

« Les Roumains ont cru qu’il allait se planter, comme tous les autres »

Mircea Rednic fait lui aussi la comparaison avec les autres joueurs roumains arrivés chez nous à la même période.  » Que ce soit Stanciu, Chipciu ou Rotariu, ils n’ont pas su montrer la même force mentale que Marin au moment où ils devaient faire leur trou, ils n’ont pas su montrer qu’ils avaient le niveau pour être titulaires dans les meilleures équipes belges. Pourtant, ils sont doués, eux aussi. Maintenant, ils n’ont pas toujours été aidés, pas toujours été traités comme ils auraient dû l’être. Je pense surtout à Rotariu quand je dis ça. Je le connais très bien, je l’ai entraîné en Roumanie puis à Mouscron. Mais quand je vois comment Bruges l’a traité…

Razvan Marin

Razvan Marin © BELGAIMAGE

On l’avait transféré pour plus de deux millions et on l’a jugé, à la limite, sur quelques minutes de jeu. Bruges l’a obligé à s’entraîner seul, on n’a pas le droit de faire ça à un international qui bosse pour s’intégrer. Où est-ce que Marin en serait aujourd’hui si le Standard avait agi de la même façon ? À ses débuts là-bas, ça n’allait pas trop, et même en Roumanie, on disait qu’il n’allait jamais percer en Belgique. On considérait qu’il était condamné à échouer à l’étranger, comme tant d’autres. J’ai lu qu’il n’avait définitivement pas assez la vitesse, la rage, l’agressivité…

Il y a une constante chez les joueurs roumains qui, comme lui, ont été formés à l’académie de Gheorghe Hagi : ils savent être des guerriers dans le championnat de Roumanie, ils y réussissent tous des belles choses, parce que Hagi leur a inculqué cet état d’esprit, mais dès qu’ils passent dans un plus grand pays, ça bloque. Moi-même, à un moment, j’ai commencé à douter de Marin en Belgique. Mais au lieu de le mettre au placard, les gens du Standard lui ont donné du temps. On voit les effets entre-temps. Et je suis certain qu’il peut apporter encore plus.  »

À la salle de muscu pour tenir les chocs avec Vormer, Dendoncker, …

Marin a eu un déclic en cours de saison passée. Il a compris qu’il devait en remettre une couche en matière d’agressivité s’il voulait vraiment faire son trou. Il l’a confié pendant les play-offs.  » En Roumanie, j’évitais les duels, donc je n’avais pas besoin de m’endurcir. Ici, après avoir volé quelques fois, je me suis dit qu’il était temps de me prendre en mains.  » Il a alors commencé à enchaîner les séances volontaires en salle de muscu.

 » Quand tu as un Ruud Vormer ou un Leander Dendoncker qui te rentre dedans, pas question de montrer un signe de défaillance, sinon ils en profitent tout le reste du match. Maintenant, je sais rendre les coups qu’on me donne et je pense que mon statut a changé auprès des adversaires.  »

 » Son plafond est clairement plus haut que le Standard « , lâche Thomas Chatelle.  » Son sens du placement et son intelligence de jeu sautent aux yeux. Il est devenu le moteur de l’équipe dans le courant de la saison passée et il continue sur sa lancée. Par contre, ce n’est pas un leader verbal, il donne souvent l’impression de vouloir rester un peu en dedans, ce n’est pas un fort en gueule, il semble assez timide à la base.

À côté de ça, c’est un médian très complet. Pour continuer à progresser, il devrait prendre encore plus ses responsabilités, il devrait oser frapper. Et surtout, il doit encore acquérir de la régularité. Par exemple, il a été le meilleur homme sur le terrain quand le Standard a gagné récemment contre Bruges, mais dans le match suivant, à Mouscron, on ne l’a pas vu.  »

Chez les gourous de Simona Halep

Cristian Fota

Cristian Fota © PG

La première demi-saison de Razvan Marin en Belgique a été poussive. La suivante, avec Ricardo Sa Pinto, très bonne. Et l’actuelle est dans la même veine. Il avait besoin de découvrir notre championnat, sa vitesse d’exécution et ses duels, c’est sûr. Mais en devenant client de Superbrain, il a démontré que le souci était aussi dans la tête. On vous explique.

Simona Halep. Joueuse de tennis roumaine. Devenue numéro un mondiale en 2017. Lauréate de Roland-Garros notamment. Et cliente de Superbrain, la structure de coaching mental mise en place il y a cinq ans par un spécialiste roumain qui a commencé par mener un important travail de recherche sur le football et les footballeurs.

L’homme, un certain Cristian Fota, a essayé de trouver des réponses à quelques questions clés. Pourquoi les joueurs roumains ont-ils autant de mal à s’intégrer dans des clubs étrangers ? Pourquoi les clubs roumains sont-ils aussi insignifiants en Ligue des Champions et en Europa League ? Pourquoi les sélections roumaines, des U17 à l’équipe A, ne réussissent-elles pas de meilleurs résultats ?

Partant de là, l’homme a conçu un programme pour athlètes, pas seulement pour les joueurs de foot. Un programme de coaching mental. Planifier sa carrière, construire une bonne relation avec ses coéquipiers, comprendre les facteurs d’auto-sabotage, gérer ses émotions, améliorer sa discipline, faciliter son intégration dans un environnement étranger, … Fota et Superbrain prétendent avoir toutes les clés.

Et donc, Halep est une patiente de la structure. Et Razvan Marin aussi. Il a évoqué l’expérience en début de saison, lors d’une interview dans les journaux de Sudpresse :  » Deux mois avant de venir au Standard, j’ai rencontré deux coaches mentaux qui travaillaient pour Superbrain. Je les ai fait venir une fois par mois à Liège, à mes frais. Ils m’ont été d’une aide précieuse, en m’apprenant par exemple à rester positif et à faire un gros travail sur moi-même.  »

Il les voit moins entre-temps mais il lui arrive de profiter de ses retours en Roumanie, à l’occasion des matches internationaux, pour consulter sur place.

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