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Jonathan Lardot : « Un Liégeois pour arbitrer le Standard ? Moi-même, je suis surpris… »

Samedi soir, il est chargé de tenir les fauves en cage : à 34 ans, Jonathan Lardot a reçu le sifflet de la finale de la Coupe de Belgique entre le Standard et Genk. Il évoque le foot-canapé, la tactique, un autographe de Messi, Spotify, un mail suspect et les Minimes de Clavinoise. Sans oublier l’oreillette et le VAR, les coups de sang de Ndongala et Preud’homme, des tacles par ou sur des arbitres, un quiz pour les joueurs et un accouchement malvenu. Ni surtout sa haine… des cartons. Jonathan Lardot passe « Sur le Gril ».

Il fait déjà les gorges chaudes des gueules noires. Mardi, les gens de Genk ont vertement réagi après la désignation de Jonathan Lardot : un Liégeois chargé de siffler un match du Standard, ça passe mal. « Je vous avoue que moi-même je suis un peu surpris, je pensais que mes origines hutoises (NDLA : Lardot est originaire d’Ouffet) ne me donnaient aucune chance, j’arbitre rarement le Standard et le comité préfère éviter les polémiques« , explique l’intéressé. « En même temps, c’est un bon signal : c’est montrer que l’intégrité des arbitres est totale… et ceux qui critiquent doivent avoir des arguments pour étayer leurs griefs. »

Car on peut difficilement taxer l’Ouffettois de proximité avec le milieu… « Je ne connais personne au Standard, je n’ai jamais été supporter d’aucun club. Gamin, je jouais juste avec mes copains et je ne suis allé que deux fois au stade avec mon père, pour voir les Diables Rouges, je ne sais même plus quels matches, sauf que l’un d’eux avait lieu… à Sclessin ! J’aime le foot… mais pas au point de passer ma soirée devant un match à la télé. Si un jour, j’ai le bonheur d’arbitrer un match de Barcelone, je n’irai pas demander un autographe de Messi après. Ce ne serait pas très pro, il faut garder une distance. D’ailleurs, un mois après, j’aurais déjà perdu ce papier. Alors que les souvenirs, eux, restent dans la tête. »

La force de la vanne

La finale de samedi désignera le premier lauréat de la saison. Et attribuera le premier ticket européen.  « Je suis assez calme de nature, mais je suis conscient qu’une finale n’est pas un match comme un autre. Dans mon arbitrage, je dois tenir compte des émotions du public et des joueurs vu l’importance de l’enjeu. Pour cela, j’aime dialoguer avec les joueurs : répondre avec un sourire ou une petite blague, comme je le fais souvent, peut désamorcer une situation tendue. Je préfère cela aux cartons : d’ailleurs, je déteste donner des cartes… Avec les coaches, c’est pareil : je suis tolérant… jusqu’à une certaine limite : leur boulot est de coacher leurs joueurs, pas les arbitres. Oui, les coaches qui mettent de l’huile sur le feu me lassent. Michel Preud’homme était comme ça : charmant avant et après les matches, incontrôlable pendant. »

Lui-même fils d’arbitre (« Mon père a atteint la 1ère… Provinciale, il m’a donné le virus car ballon au pied, je n’avais pas le talent pour percer« ), Lardot s’est, par la force des choses, spécialisé dans la tactique. « Pour préparer mon match, j’étudie les systèmes de chaque équipe, leurs blocs, leurs phases de construction, les joueurs qui provoquent, ceux qui jouent les phases arrêtées ou opèrent par les flancs, comment les remplaçants montent au jeu ou encore l’histoire des confrontations précédentes car les contextes sont importants. Même s’il faut toujours partir d’une page blanche : toujours juger les faits et ne jamais juger un joueur sur base d’un geste commis dans un match antérieur. Comme arbitre, je n’ai pas le droit d’être rancunier. Mais je ne prépare que ce qui m’est utile : ne me demandez pas d’analyser un match en direct, je serais un piètre consultant ! » (rires)

Du stress à Gives…

Du foot d’en-bas au monde des pros : tout a donc commencé un jour, par un match… de Minimes. « Je pense que c’était Gives-Clavinoise, j’étais plus nerveux que pour la finale de samedi ! Avant, je me mettais une grosse pression, je me posais les mauvaises questions, j’étais du genre… torturé. Aujourd’hui, je me concentre tranquillement avec des playlists Spotify, ça me permet de préparer mes matches… en découvrant de nouvelles musiques ! J’ai commis l’erreur, pour l’accouchement de mon premier enfant, de siffler 3 jours après : j’étais vidé physiquement et émotionnellement, mon cœur battait à du 140 pulsations au repos, j’ai complètement foiré mon match. Pour mon 2e enfant, je n’ai plus commis cette erreur. C’est ce que je me suis dit en voyant cet arbitre français tacler un joueur : il devait être loin pour péter un câble ainsi. Mais c’est comme pour un burnout au travail, il y a toujours des signes avant-coureurs : il faut être capable de renoncer à un match quand on ne le sent pas. »

Je ne regrette pas les matches des jeunes, l’atmosphère y est malsaine

Mal-aimé du monde du foot, éternel cible des critiques, l’arbitre doit se doter d’une peau d’éléphant : Lardot n’échappe pas à la règle. « Non, je ne suis pas maso, j’aime mon métier. Mais ma plus grande souffrance est générée par tous ces gens qui vous hurlent dessus… alors qu’ils méconnaissent le règlement. Surtout dans les matches de jeunes : dans un stade de 20.000 personnes, vous n’identifiez pas les mots. Cela décourage beaucoup de jeunes arbitres. Je ne regrette pas les matches des jeunes, l’atmosphère y est malsaine, le foot n’y est pas aussi pur qu’on ne le dit. Quand je raccrocherai, je préférerai finir en sifflant les équipes premières, au plus bas niveau, que des matches de jeunes… »

Prends mon sifflet…

La violence verbale existe aussi au top… et prend parfois des visages insoupçonnés. « Je subis parfois les insultes de joueurs, mais je ne l’accepte pas. Parfois les plus gentils sont débordés par leurs émotions : j’ai un jour eu un incident avec Ndongala, qui s’est complètement laissé aller alors qu’il est toujours correct, il s’est excusé ensuite. D’autres joueurs, des seigneurs hors du terrain, changent de visage en match : ce sont souvent les plus intelligents… Je leur dis parfois : prends mon sifflet, tu as l’air de connaître le règlement mieux que moi. Ceux qui ont de l’humour me le prennent… ce qui ne m’arrange pas (rires). Mais je me dis qu’on devrait convoquer les joueurs, entraîneurs, dirigeants et journalistes qui nous critiquent tant et leur faire passer un mini-quiz sur les situations de jeu. Je crois qu’ils seraient étonnés par leurs résultats… » (sourire)

L’irruption de la technologie a sensiblement modifié les données… et le ressenti. « L’oreillette a permis de valoriser le travail des assistants. Mais il faut bien doser ses moments : attendre de siffler car siffler trop vite peut empêcher un but valable. Il faut mieux laisser aller une phase au bout… et une balle au fond, quitte à revenir en arrière et l’annuler, plutôt que l’inverse. Il faut aussi trouver le juste milieu : arbitrer comme avant, quand la vidéo n’existait pas, ne jamais se reposer sur la technologie, sans quoi vous perdez le focus. J’ai aussi fait la formation de VAR dans le bus en vue de la saison prochaine : vous y avez une grosse pression, cela n’a rien à voir avec regarder un match dans votre salon en sirotant un petit verre… »

Jalousies…

Retenu parmi nos 8 premiers semi-professionnels du sifflet, notre cadre-chauffagiste dans le civil vit aussi la montée de l’argent dans l’arbitrage. Car les referees sont aussi des concurrents : les primes sont alléchantes, et les appétits sont grands. « Comme dans tous les milieux, il y a de la jalousie. Avant, je le reconnais, je pouvais être jaloux des autres, qui obtenaient de meilleures désignations. Mais j’ai appris à relativiser. Le déclic est venu il y a 2-3 ans : j’ai connu une saison très difficile. Je me suis dit : ‘Tu te mets la pression, ça te pourrit la vie, cesse de te polluer, vas à ton match et profite’. Avec les autres arbitres, les relations sont très bonnes. Je me suis bien marré d’ailleurs, quand un de mes assistants s’est fait tacler accidentellement par un joueur. Le pauvre, il a eu un doigt cassé… » (rires)

Celui qui, comme il le dit-lui-même, « a déjà réalisé son rêve » (« Je suis en D1 et je vais siffler la finale de la Coupe, ma philosophie est celle des joueurs, ‘prendre match par match’ et me réjouir de ceux qu’on me donne…« ) émarge à la 2e catégorie des Internationaux UEFA : Lardot siffle donc des matches d’Europa League. « Faire une Coupe du Monde sera difficile… mais je suis convaincu que si nous avions un représentant dans les comités de l’UEFA, nous aurions déjà un arbitre à l’Euro ou au Mondial. Grâce aux Diables Rouges, nous sommes aussi, nous les arbitres belges, de plus en plus respectés à l’étranger. Mais notre championnat est sous-estimé : les compétitions espagnole, anglaise ou allemande offrent un jeu plus fluide et offensif. Mais vu notre foot belge plus rude, plus physique et plus fermé tactiquement, nos matches sont bien ardues à siffler. Nous, les arbitres belges, valons bien mieux que ce qu’on nous donne, c’est une question d’image. »

Un mail suspect

Et derrière d’autres images, il y a parfois des reflets troubles. Jonathan Lardot était au sifflet, dimanche passé, lors du si discuté Eupen-Mouscron. « Ce genre de match nourri par les rumeurs est très désagréable, cela met tout le monde mal à l’aise. Non, je n’ai rien vu de louche : j’ai simplement, comme tout le monde, vu une équipe mouscronnoise s’effondrer… comme elle le fait depuis plusieurs semaines. Les week-ends antérieurs, personne n’avait rien relevé de scabreux… J’ai moi-même reçu un jour un mail de l’UEFA sur un match que j’avais arbitré : on me demandait si j’avais relevé le comportement suspect de tel joueur. Après-coup, en revoyant les images c’est vrai que je me suis posé des questions. Ce n’est pas gai : on se sent floué par une situation où tout était faux. »

Surtout quand se greffent ensuite des rumeurs de paris truqués. Et le ton de se faire sec : « Vous me demandez si j’ai déjà parié sur des matches ? Non… et je n’ai rien à ajouter. Je pense que ma réponse est claire…« 

Focus sur Standard-Genk : l’homme en noir n’est pas supporter. Il n’est, il l’a dit, ni tacticien confirmé, ni acharné de cuir. Son regard sur le match est donc limpide. « Le summum pour moi, ce serait de voir un beau match, avec des équipes offensives, car la qualité et le fair-play des joueurs font aussi la qualité de l’arbitre. Et si samedi soir, on ne parle pas de l’arbitrage, j’aurai vécu ma soirée de rêve… »

« Sur le Gril », un rendez-vous hebdomadaire d’Erik Libois à retrouver sur Vivacité ce samedi soir entre 18h et 20 h, et le dimanche entre 17h et 18 h. Et le lundi en télé dans La Tribune.

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